On 20th century music > On space in music / De l’espace en musique

 

L'espace-son

Makis Solomos

Premire publication in LÕespace : Musique-Philosophie

Sous la direction de Jean-Marc Chouvel et Makis Solomos

Paris, LÕHarmattan, 1998, p. 211-224    

 

1. Musique et espace

 

Le XXme sicle a accordŽ une place particulire ˆ la question des relations entre la musique et l'espace, ˆ la question de la "spatialisation de la musique". Alors que, par le passŽ, rares furent les tentatives de penser le son en fonction de sa trajectoire spatiale [1] , les compositeurs de ce sicle ont manifestŽ un intŽrt croissant pour la localisation du son. De cette plongŽe progressive dans les profondeurs de l'espace physique, il est possible d'extraire deux paradigmes dŽjˆ parachevŽs. Du premier, citons seulement Debussy qui, ds le dŽbut du sicle, rve d'une musique littŽralement planante, construite pour le "plein air" [2] . Ici Ñde mme que dans le projet de Ives pour une Universe SymphonyÑ, l'espace constitue le symbole d'une ouverture vers l'infini, d'une volontŽ d'anti-subjectivisme. Il vaut essentiellement comme mŽtaphore. Dans le second paradigme, par contre, la problŽmatisation se concrtise: nous pensons bien entendu aux oeuvres d'une grande partie des compositeurs de l'aprs-guerre (Varse, Stockhausen, Xenakis ou Nono, pour ne citer que les tentatives les plus connues), qui culminent dans les annŽes 60. Chez ces compositeurs, l'espace est posŽ comme dimension ˆ part entire du son, sa "cinquime dimension" [3] . Il est alors appelŽ ˆ agir sur lui et on parle de sa spatialisation.

Ce second paradigme vaut encore aujourd'hui (notamment chez un compositeur comme Nunes). NŽanmoins, il est possible de parler d'ores et dŽjˆ d'un nouveau paradigme introduisant d'une manire trs subtile une rupture et qui Žmergerait dans les oeuvres les plus rŽcentes. En apparence, il ne ferait que prolonger le paradigme prŽcŽdent, puisqu'il est toujours question de mettre en mouvement spatial le son. Cependant, on voit se profiler sous le discours actuel sur le "virtuel" (crŽation d'espaces artificiels au moyen de la spatialisation du son), un dŽpassement de la perception de l'espace comme dimension. L'idŽe d'une spatialisation du son s'estompe au profit de l'exploration des liens plus directs entre l'espace et le son Ñliens qui semblent de plus en plus fondamentaux car, beaucoup plus qu'une simple "dimension", l'espace est peut-tre indissociable du son. Laissant pour plus tard l'analyse d'oeuvres se basant sur ce nouveau paradigme, cet article a pour but d'en suggŽrer l'origine.

 

Avant d'atteindre ce but, on devra accepter de se pencher sur une question plus immŽdiate, celle des causes de la focalisation de plus en plus prononcŽe de la musique sur l'espace physique, o l'on voit paradoxalement le rve debussyste d'une musique cosmique aboutir au sondage sans failles des parois de la salle de concert. S'agit-il d'une "idŽe nouvelle", ou mme d'une mode qui, une fois exploitŽe, sera abandonnŽe? Sa persistance tout le long du XXme sicle et son Žvolution trs consŽquente, semblent au contraire indiquer qu'elle constitue un phŽnomne essentiel, sinon une mutation profonde de la musique. Pour tenter de fournir une explication ˆ ce phŽnomne, il est nŽcessaire d'envisager la notion d'espace sous une acception plus gŽnŽrale Ñune acception dont l'espace physique, acoustique, ne constituerait qu'un des aspectsÑ et d'apprŽhender l'expression "spatialisation de la musique" dans sa littŽralitŽ.

Deux ans avant les premiers pas d'un homme sur la lune, G. Brelet [4] notait que, "de mme que l'homme moderne, la musique contemporaine, ˆ sa manire, a conquis l'espace", se rŽfŽrant ˆ ce qui vient d'tre dŽfini comme le second paradigme de l'intŽrt des compositeurs pour l'espace, paradigme dans lequel l'idŽe de progrs, de conqute, est poussŽe ˆ son point extrme. Notre Žpoque plus sereine nous suggre de renverser l'affirmation de G. Brelet: partant de celle-ci, on pourrait se demander si, en retour, l'espace n'aurait pas conquis la musique. Dans ce sens, la problŽmatique compositionnelle sur l'espace physique (sur la spatialisation du son) n'est en rŽalitŽ que le sympt™me d'un phŽnomne beaucoup plus gŽnŽral: la spatialisation de la musique mme. Il est significatif de constater que, dans sa Philosophie de la nouvelle musique, o il oppose Schšnberg ˆ Stravinsky, Th. Adorno [5] les rapproche sur ce point: "Chez tous les deux, la musique menace de se figer dans l'espace". En gŽnŽralisant le propos de H. Dufourt [6] , on pourrait affirmer que "la musique de notre temps est une musique de l'espace". La prise de conscience de l'existence d'une dimension spatiale du son, l'intŽrt en apparence disproportionnŽ des compositeurs actuels pour l'espace physique o peut tre localisŽ -sinon emprisonnŽ- le son, dŽcoulent de la spatialisation de la musique mme. L'art des sons fait l'expŽrience de sa consistance, il prend chair. L'oeuvre musicale actuelle n'est plus le produit de mouvements fugitifs qui n'existent que dans la mŽmoire de l'auditeur: elle est lˆ. De simple mode de reprŽsentation, l'espace a fini par absorber la musique, ˆ tel point qu'on peut se demander si, contrairement ˆ sa dŽfinition traditionnelle, la musique ne serait pas, de nos jours, plut™t que l'art du temps, un nouvel art de l'espace.

 

La musique, nouvel art de l'espace: les sympt™mes d'un tel Žtat sont innombrables. On pourrait se rŽfŽrer ˆ nouveau ˆ ce grand initiateur de la modernitŽ musicale, Debussy, qui, dŽfonctionnalisant l'harmonie, suspendit le temps musical; tout aussi exemplaires seraient les collages d'un Stravinsky, le cubisme d'un Varse, ou encore, l'extrme staticitŽ de la musique sŽrielle; enfin, on devrait se pencher sur la musique la plus rŽcente Ñla liste Žtant loin d'tre close. Pour attester cette nouvelle rŽalitŽ, ont ŽtŽ choisis ici deux sympt™mes plus marginaux, mais tout aussi significatifs: la convergence qu'on observe entre la musique et les beaux-arts d'une part, l'apparition d'une nouvelle terminologie musicale, d'autre part.

Les dimensions qui, auparavant, Žtaient spŽcifiques ˆ la musique et aux beaux-arts, le temps et l'espace, ont tendance ˆ ne plus l'tre. Dans un article trs dense sur les relations entre l'espace et la musique, H. Parret [7] conteste la dichotomie traditionnelle entre la musique et la peinture sur la base des deux dimensions en question. Or, s'il est possible aujourd'hui de dŽvelopper une telle pensŽe, c'est peut-tre parce que l'art moderne va dans ce sens: ˆ la spatialisation de la musique correspond une temporalisation de la peinture. Pour en rester ˆ la musique, si, en classant les arts, on prenait le mme critre que les philosophes romantiques (leur degrŽ d'immatŽrialitŽ), il serait difficile de continuer ˆ la placer au sommet de la hiŽrarchie: les oeuvres musicales du XXme sicle prennent un aspect "solide", du moins, ˆ dŽfaut d'tre palpables, sont-elles de plus en plus localisables. Un tel Žtat, dŽjˆ latent chez Stravinsky et Varse, conduit la musique ˆ opŽrer une "pseudo-morphose sur la peinture" [8] . Dans les termes de la critique adornienne de Stravinsky:

"Toute peinture, aussi la peinture non figurative, a son pathos en ce qui est; toute musique par contre vise un devenir; ˆ cela la musique stravinskienne aimerait se soustraire par la fiction de son simple tre-lˆ. [É] Les sons qui autrefois coulaient les uns dans les autres sont maintenant devenus autonomes dans un accord en quelque sorte anorganique. La spatialisation devient absolue: est ŽcartŽe l'atmosphre brumeuse dans laquelle toute musique impressionniste retient quelque chose du temps de l'expŽrience vŽcue" [9] .

Avec le cubisme musical de Varse, la superposition statique de plans se substitue ˆ la linŽaritŽ dynamique de la tonalitŽ. Il est donc possible de faire le rapprochement avec ce "nouveau concept du temps, dont l'ŽlŽment de base est la simultanŽitŽ, et dont la nature est constituŽe par la spatialisation du facteur temporel", concept que dŽcrit A. Hauser [10] et qui, basŽ sur "la simultanŽitŽ des Žtats d'‰me, constitue essentiellement l'expŽrience de base reliant les diverses tendances de la peinture" du dŽbut du sicle [11] . Depuis Varse, on ne voit pas des "volumes" qu'ensuite on cherche ˆ percevoir auditivement: on les entend directement. Les graphiques avec lesquels, de nos jours, de plus en plus de compositeurs travaillent (surtout lorsqu'il s'agit de synthse du son) vont dans le mme sens; ces graphiques ne sont pas un artifice, un moyen comme un autre de composer en l'absence de rgles universelles: ils font partie intŽgrante de leur musique. La preuve en est que, de plus en plus, on compare le compositeur ˆ un sculpteur [12] : dŽsormais, on ne ne dŽveloppe pas (dans le temps), on sculpte de l'intŽrieur le son.

Quant ˆ la terminologie musicale, le recours ˆ des mŽtaphores spatiales est de plus en plus frŽquent. Certes -bien que la musique soit l'art qui a portŽ au plus haut niveau son autonomie-, les musiciens ont toujours eu recours ˆ des mots tels que "ligne", "figure" ou "courbe" (mŽlodique); par ailleurs, ce qui se rŽfre au temps est souvent dŽsignŽ par un mot d'origine spatiale (pensons au mot "Žvolution"). Cependant, de nouvelles mŽtaphores de ce type se sont glissŽes dans le vocabulaire musical, mŽtaphores qui induisent une nouvelle pensŽe. Citons seulement la banalisation de l'expression "espace" pour se rŽfŽrer ˆ la hauteur, les "espaces de timbres" de D. Wessel [13] qui, reprŽsentant "de faon adŽquate les diffŽrences perceptives, pourraient servir comme une sorte de carte susceptible de guider dans sa navigation le compositeur qui s'intŽresse ˆ structurer des aspects du timbre" et ce texte Žloquent de Tr. Murail [14] : "L'exploration des hiŽrarchies fait appara”tre ce que je nommerai la ÒvectorisationÓ du discours musical, ce qui signifie que tout processus est orientŽ et possde un sens, sinon une signification, que l'auditeur sent bien qu'on l'emmne quelque part, et qu'il y a un pilote dans l'avion" -de tels exemples pourraient tre facilement dŽmultipliŽs.

 

 

2. Espace et raison

 

La dŽfinition de la musique comme art de l'espace tient surtout de la provocation qui oblige ˆ penser la spatialisation de la musique, dont il faudrait ˆ prŽsent tenter de cerner certaines des causes. Dans La Musique et l'Ineffable, Vl. JankŽlŽvitch [15] dŽnonce le "mirage spatial" et ses mŽtaphores douteuses; il ajoute:

"les caractres [spatiaux] gŽnŽralement attribuŽs ˆ la musique n'existent bien souvent que pour l'oeil et par le tour de passe-passe des analogies graphiques: de simples particularitŽs d'Žcriture, qui rŽsultent de la projection symbolique du fait musical sur deux dimensions, servent ˆ caractŽriser la ÒcourbeÓ mŽlodique elle-mme; la mŽlodie qui est, hors de l'espace, succession de sons et durŽe pure, subit la contagion des signes inscrits horizontalement sur la portŽe; [É] les parties, dans la musique polyphonique, semblent Òse superposerÓ. Les artifices du papier rŽglŽ finissent par dŽloger les rŽalitŽs acoustiques" [16] .

L'immixtion de la terminologie spatiale dans la musique serait imputable ˆ l'hŽgŽmonie de la vue sur l'ou•e, de certaines "particularitŽs" de l'Žcriture (les "analogies graphiques") sur le sonore et, en fin de compte, n'aurait aucun effet vŽritable sur ce dernier. Les remarques qui prŽcdent ont tentŽ de montrer que le sonore s'est pliŽ aujourd'hui, en partie, ˆ la spatialisation. Par contre, on peut tre d'accord avec JankŽlŽvitch sur le fait qu'une des premires causes de cette spatialisation serait le primat de la vue. Or, si ce primat a fini par influer sur la musique en tant que musique (le sonore), c'est parce qu'il n'a pas ŽtŽ imposŽ de l'extŽrieur. Dans la musique actuelle, o il culmine, il n'est pas le fait du choix arbitraire de certains compositeurs qui auraient dŽcidŽ dŽlibŽrŽment de procŽder ˆ des transferts de la sphre du visuel sur celle du sonore. L'hŽgŽmonie de la vue, dŽcisive aujourd'hui, dŽcoule de l'Žvolution mme de la musique rŽcente, du moins est-elle lŽgitimŽe par deux faits imbriquŽs. 

D'une part, il serait difficile de continuer ˆ parler des spŽculations visuelles de l'Žcriture comme de "particularitŽs" ou d'"artifices". Dans la musique contemporaine, elles en constituent souvent l'essentiel. En effet, par le passŽ, l'Žcriture permettait de prŽ-entendre la musique: pour employer le vocabulaire des musiciens, tout signe Žcrit Žtait immŽdiatement entendu "intŽrieurement"; l'Žquivalence Žcrit-sonore Žtait directe. Aussi n'avait-on pas besoin de recourir aux ŽlŽments purement visuels de la partition. De nos jours, par contre, rares sont les compositeurs qui pourraient affirmer qu'ils ne sont pas surpris lors de la premire rŽpŽtition de leur oeuvre par rapport ˆ son aspect strictement sonore, sauf lorsqu'ils travaillent dans le "connu". L'essentiel des partitions actuelles vise l'inou• au sens littŽral et, par consŽquent, il serait difficile de les entendre intŽrieurement. Cet aspect est encore plus Žvident lorsqu'il s'agit pour le compositeur de travailler avec la synthse sonore. Comment contr™ler, comment prŽvoir le traitement numŽrique d'un son nouveau? L'informatique, en apportant une prŽcision extraordinaire, a en mme temps plongŽ le musicien dans un monde qui lui est inhabituel. C'est pourquoi a-t-il appris ˆ travailler comme le fait le scientifique: ˆ l'aide de courbes, de graphiques. Parce que l'oeil analyse mieux que l'oreille, on voit avant d'entendre. De la mme faon, les signes traditionnels sont devenus muets, sauf, prŽcisŽment, lorsqu'ils contiennent des ŽlŽments de l'ordre de la mŽtaphore visuelle (intervalles "ascendants" ou "descendants", entrŽes successives d'instruments offrant un dessin net, par exemple). A dŽfaut d'une prŽ-audition, on s'attache ˆ la prŽ-vision. La question mise en avant par des recherches rŽcentes est de fabriquer des logiciels qui permettent de contr™ler graphiquement la synthse du son [17] . La Musik zum lesen, qu'on avait prise pour un canular, trouve son prolongement dans ces futures oeuvres audibles en quelques milliers de graphiques.

D'autre part, l'Žcriture traditionnelle Žtait un moyen de penser la musique. Elle ne constituait pas seulement la transcription d'une oeuvre dŽjˆ conue. C'est par son biais que le musicien composait, dŽveloppait sa pensŽe (rappelons que l'expression "Žcriture musicale" est aussi synonyme de composition). Or, depuis au moins l'aprs-guerre, la pensŽe musicale a pris un aspect "conceptuel" (au sens de l'art dit conceptuel). Pour simplifier ˆ l'extrme, l'idŽe musicale n'est plus de l'ordre du thme, de l'encha”nement d'accords, que l'Žcrit permet non seulement de transcrire mais, surtout, de dŽvelopper. Le plus souvent, elle se prŽsente en quelque sorte d'un bloc. Le travail musical consiste non pas ˆ la dŽvelopper, mais ˆ la concrŽtiser en l'affinant et en lui donnant substance. De ce fait, elle revt l'allure d'une vision. Elle peut tre comparŽe ˆ une "image", mme lorsque, ˆ la faon du rve de Varse [18] ˆ propos d'Arcana, elle possde des ŽlŽments sonores prŽcis. Le travail compositionnel passe alors par des "vues d'ensemble" de plus en plus prŽcises, qui, ici aussi, consistent souvent en des graphiques, schŽmas, tableaux ou autres mŽthodes visuelles. Dans ce sens, il serait difficile d'affirmer que de telles mŽthodes constituent des artifices ou des particularitŽs: la pensŽe musicale elle-mme, dans cette comparaison avec l'image, prend une tournure spatiale. Quant ˆ l'Žcriture, elle devient simple outil. C'est sans doute la raison pour laquelle la premire musique-Žlectroacoustique (et, dans une moindre mesure, les musiques improvisŽes), pouvait revendiquer avec fiertŽ le fait d'avoir supprimŽ la partition. Aujourd'hui o la musique a besoin de l'Žcriture plus que jamais -le retour au "temps rŽel", c'est-ˆ-dire au concert o les sons sont produits sur scne (par des instruments, synthŽtiquement ou par une transformation Žlectronique des premiers), ainsi qu'ˆ la fidŽlitŽ de l'exŽcution, nŽcessitent une prŽcision extrme des indications des actions ˆ effectuer-, la partition ne sert ni de prŽ-audition, ni de moyen pour penser la musique: elle n'est plus qu'un ensemble d'indications, un outil strictement opŽratoire. Aussi, puisque l'Žcriture ne tient plus de l'idŽel, de la pensŽe, elle annule la distance avec le sonore: l'interprŽtation devient exŽcution. Plus exactement, la distance tend aujourd'hui ˆ se limiter aux stricts alŽas de la salle de concert -d'o l'intŽrt pour l'espace physique: le dŽtail d'hier devient ŽlŽment significatif. Si la partition est devenue simple outil, le sonore, de son c™tŽ, peut tre pris pour une pure illustration: l'"image" compositionnelle, qu'elle soit extrmement abstraite ou infiniment sensible, vaut pour elle-mme, elle n'est pas une idŽe ˆ dŽvelopper, mais seulement ˆ concrŽtiser, ce qui revient ˆ dire qu'elle entretient avec sa rŽalisation le rapport du texte ˆ son illustration.

 

Le primat de la chose vue sur la chose entendue dŽcoule, dans les Žvolutions rŽcentes, d'une nŽcessitŽ interne ˆ la musique, sans doute parce qu'il se trouve ˆ la base de toute la musique occidentale et, plus gŽnŽralement, de tout l'Occident [19] . En tout cas, plut™t que de chercher ˆ y lire le combat entre deux sens, l'oeil et l'oreille, il conviendrait mieux de le rapporter ˆ une cause plus abstraite, cause qui constituerait alors une raison plus profonde de la spatialisation de la musique: nous voulons parler de la gŽomŽtrisation progressive de cette dernire. Il n'est gure utile, dans le cadre du prŽsent article, de retracer l'historique de la gŽomŽtrisation de la musique, qui remonte ˆ Aristoxne et qui passe par l'invention de la notation comme moyen de penser la musique, par l'application de techniques compositionnelles que la notation permet de gŽnŽraliser, ou encore, par la naissance de l'espace polyphonique. En ce qui concerne le XXme sicle, le chercheur qui s'intŽresserait ˆ cette question aurait de quoi faire, sans mme qu'il lui soit nŽcessaire de se rŽfŽrer aux procŽdŽs directement empruntŽs ˆ une gŽomŽtrie intuitive (techniques sŽrielles) ou ˆ la gŽomŽtrie scientifique (pensons ˆ Xenakis), procŽdŽs qui n'ont pas nŽcessairement une incidence sur le sonore en tant que tels (la musique se spatialise mais n'en devient pas "gŽomŽtrique" pour autant). Quant ˆ nous, contentons-nous de mentionner deux phŽnomnes caractŽristiques.

En premier, il sera question de la substitution de la hauteur au ton. Un grand nombre de malentendus sur la musique de notre sicle provient du fait que, bien que le terme hauteur ait ŽtŽ gŽnŽralisŽ, on l'emploie souvent avec toutes les connotations qu'avait la notion de ton (tension, rapports qualitatifs). Ainsi, mme dans la distinction de plus en plus admise entre hauteur tonale (la note perue pour elle-mme) et hauteur spectrale (les notes qui fusionnent pour produire une sonoritŽ globale), la premire dŽsigne aussi bien les notes d'une mŽlodie traditionnelle que celles d'un accord dodŽcaphonique. Ou encore, on continue parfois ˆ attribuer la difficultŽ de la musique contemporaine au fossŽ qui s'est creusŽ entre le compositeur et l'auditeur, et il fut une Žpoque o les plus optimistes espŽraient qu'un jour viendrait o une sŽrie pourrait tre fredonnŽe comme un thme de Haydn! Or, dans ce dernier, les relations tonales Žchappent encore ˆ l'analyse gŽomŽtrique et s'adressent directement aux sens de l'auditeur. Par contre, des mouvements purement spatiaux et quantitatifs caractŽrisent une sŽrie; comme dans un glissando, seuls les contours globaux -dŽplacements vers l'aigu ou vers le grave- sont tonalement pertinents: le compositeur lui-mme est noyŽ dans les amas de notes dŽnuŽes de tout sens tonal. Schšnberg, qui refusait d'employer l'adjectif atonal, est l'un des premiers artisans de ce malentendu. Mais, depuis, il est devenu clair que l'amateur avait raison: la musique du XXme sicle est littŽralement a-tonale (sans tons); tout ordre de notes qui ne repose pas sur la notion de tension, aussi clairement structurŽ qu'il soit, transforme le ton en hauteur, en un point sur un graphique, dont le comportement, dans le pire des cas, nous est Žtranger et, dans le meilleur, est mis au service d'autres p™les d'intŽrt.

Le second phŽnomne, qui date des annŽes 50 et qui est devenu encore plus Žvident avec la synthse du son, concerne l'Žclatement de l'unitŽ traditionnelle de la note en une myriade de "paramtres". S'il est clair que le terme de paramtre est fort contestable dans le cadre de la musique instrumentale et que les compositeurs de l'aprs-guerre se sont livrŽs ˆ certains excs thŽoriques, en tout cas, la pensŽe paramŽtrique est directement ˆ l'origine du traitement informatique d'un son de synthse. Ici, la gŽomŽtrisation devient sŽrieuse: au lieu de partir d'unitŽs musicales ŽlŽmentaires (la note) auxquelles sont ultŽrieurement attribuŽes certaines caractŽristiques, on travaille sur des fonctions (au sens mathŽmatique du terme).

 

La prŽdominance de la vue sur l'ou•e, cause la plus Žvidente de la spatialisation de la musique, renvoie ˆ sa gŽomŽtrisation. De la mme faon, cette dernire peut tre rapportŽe ˆ une troisime et dernire cause. La gŽomŽtrisation s'insre dans un contexte plus gŽnŽral: la spatialisation de la musique est, en fin de compte, une des consŽquences majeures du processus de rationalisation auquel l'art des sons n'a pu Žchapper. Afin d'Žviter les ambigu•tŽs, il convient d'indiquer d'emblŽe le sens prŽcis dans lequel sera employŽ ce terme. Par rationalisation, il faut entendre ici non pas le dŽploiement de moyens de plus en plus efficaces qu'analyse la cŽlbre thŽorie weberienne et encore moins un simple processus de quantification et de standardisation, mais l'Žvolution de la musique vers l'artefact total, vers l'oeuvre intŽgralement construite. Prise dans ce sens trs adornien, la rationalisation entra”ne la spatialisation car elle affecte le temps: ce dernier cessera d'tre une donnŽe a priori et finira par tre structurŽ de bout en bout.

Dans la musique antŽrieure au classicisme, le temps est imposŽ de l'extŽrieur; plus exactement, il ne constitue que la condition objective de sa concrŽtisation. En inventant la (grande) forme, le classicisme se l'approprie et le traite comme un moyen. Aussi, dans la grande forme,

"les relations syntaxiques des moments musicaux particuliers sont transposŽes [É] par notre imagination dans un espace virtuel, o les moments particuliers -ŽlŽments, figures, cha”nons, parties, etcÉ- agissent comme des lieux ou des objets et o le devenir musical appara”t dans son Žcoulement total comme l'architecture dans l'espace",

Žcrit G. Ligeti [20] . PensŽe comme une totalitŽ qui se dŽploie quasi organiquement gr‰ce au dŽploiement de la raison compositionnelle, la musique tend ˆ se solidifier. Perue comme "architecture", elle acquiert une existence autonome, ob-jective, celle de l'oeuvre d'art, concept qui, prŽcisŽment, ne s'impose en musique que tardivement; elle n'est plus crŽŽe, mais produite. Le dynamisme de la grande forme est contredit par le fait qu'un dŽbut et une fin lui sont nŽcessaires. Clairement circonscrite, l'oeuvre s'inscrit dans l'expŽrience d'un moment et d'un lieu. En somme, l'historicisation de la musique ouvre la voie ˆ sa spatialisation.

Cependant, dans le classicisme et dans le romantisme, il y a travail dans, mais pas sur le temps. Dans la musique du XXme sicle, par contre, le temps lui-mme est investi. Ainsi, un compositeur comme Xenakis [21] l'apprŽhende comme un "un tableau noir (vide) sur lequel on inscrit des symboles et des relations, des architectures, des organismes abstraits". Ou encore, dans la cŽlbre coupure boulezienne entre un temps "amorphe" et un temps "pulsŽ", le premier, pour lequel la musique de l'aprs-guerre a montrŽ une grande prŽdilection, est l'Žquivalent du "tableau noir", d'une surface lisse que le compositeur construit. L'exigence de la construction intŽgrale qui motive la musique contemporaine est synonyme d'extrme spatialisation, non pas parce que le temps serait ŽvacuŽ, mais parce que, entirement dominŽ par la subjectivitŽ compositionnelle, il est fabriquŽ de toute pice. Un des sympt™mes les plus Žloquent de la rationalisation du temps est le devenir du rythme: au mme titre que la hauteur se substitue au ton, on pourrait montrer que la durŽe remplace le rythme Ñle temps planifiŽ ˆ la faon d'une surface gŽomŽtrique Žvince le temps comme condition a priori, la qualitŽ devient quantitŽ. Plus grave encore: la forme se mue en structure. L'oeuvre intŽgralement construite, plongŽe dans son immanence, se dŽploie dans un temps qui n'a rien de commun avec celui de l'auditeur: totalement objectivŽe, elle se prŽsente comme une entitŽ compacte dans laquelle nul ne peut pŽnŽtrer. Avec la forme (classico-romantique), l'oeuvre musicale prŽtendait construire son propre temps, mais elle ne rompait pas les liens avec le temps vŽcu; par contre, toute musique qui s'entend comme structure est vouŽe ˆ la spatialisation: impŽnŽtrable ˆ la raison d'autrui, elle prend l'apparence d'une prŽsence autosuffisante et constitue l'ultime aboutissement du nominalisme musical.

 

 

3. L'espace-son

 

"On pourrait se demander si la rationalitŽ intŽgrale ˆ laquelle tend la musique est simplement compatible avec la dimension du temps; si ce pouvoir de l'Žquivalent et du quantitatif que reprŽsente la rationalitŽ ne nie pas au fond le non-Žquivalent et le qualitatif dont la dimension du temps est insŽparable. Ce n'est pas un hasard si toutes les tendances ˆ la rationalisation -dans la rŽalitŽ bien plus encore qu'en art- vont dans le sens d'une abolition [É] de l'histoire. Il se peut que l'intŽgration du temps, sa dŽconstruction, soit fatale au temps lui-mme, comme il sied, du point de vue anthropologique, ˆ une Žpoque dont les sujets, de plus en plus, se dŽpouillent de tout souvenir",

Žcrivait Adorno [22] en 1960. Et, en effet, ce qui vient d'tre dit converge vers ce constat: la rationalisation de la musique conduirait au paradis post-historique ou anhistorique d'une sociŽtŽ qui, "ne voyant plus rien devant elle, nie le processus lui-mme et se satisfait de l'utopie d'un repliement du temps dans l'espace" [23] . La devise de ce paradis pourrait tre la phrase de J. BarraquŽ [24] qui conclut son analyse de La Mer de Debussy: "Tout a donc pris fin par la paralysie gŽnŽrale de la musique, privŽe ainsi de toute possibilitŽ d'expression".

On pourrait donc en conclure que la belle Žpoque de l'art des sons (le XIXme sicle), o son extrme temporalisation co•ncida avec l'avnement et l'Žpanouissement de la pensŽe historique, est dŽfinitivement close; ou encore, qu'avec ce que certains s'empressent de nommer "fin de l'histoire", meurt, non pas l'art en gŽnŽral, mais l'art romantique par excellence, la musique, celle-ci devant dŽsormais figurer dans les beaux-arts (arts de l'espace). Mais il n'en est rien. Certes, au XXme sicle, l'art des sons a traversŽ une crise, mais tout autant que les autres arts. Et, surtout, cette crise est rŽsolue depuis longtemps: la musique a dŽjˆ inventŽ la manire d'tre qui lui permet de s'adapter ˆ son nouveau statut d'art "spatial". Est-ce un paradoxe? Non, dans la mesure o cette manire ne renie en rien le musical et, mme, le renforce. Pour tenter d'Žtayer une telle affirmation, il nous faut d'abord plonger dans l'instant.

 

La spatialisation de la musique a pour consŽquence, lors de l'audition, l'impossibilitŽ de suivre le dŽroulement temporel comme dŽroulement significatif. En d'autres termes, l'auditeur est invitŽ ˆ se dŽbarrasser des habitudes acquises lors de l'Žcoute de la musique tonale (suivi des processus de tensions et des Žvolutions dynamiques, r™le important de la mŽmoire) et ˆ se livrer ˆ la contemplation, ˆ s'immerger dans ce que J. Patocka [25] nomme le "rgne du prŽsent", "o le temps appara”t comme une sŽrie de ÒmaintenantÓ". Cependant, il n'y a pas lieu de parler simplement d'une attitude a contrario de l'auditeur: les compositeurs du XXme sicle ont aussi portŽ toute leur attention sur l'instant Ñde Debussy aux oeuvres rŽcentes, en passant par le concept capital de Momentform introduit par Stockhausen ds le dŽbut des annŽes 60.

Dans les meilleures compositions de notre sicle, la rigiditŽ de l'oeuvre en tant que tout (de l'oeuvre en tant que structure) est contrebalancŽe par l'extraordinaire dynamisme de la microforme. P. Francastel [26] Žcrit que l'art moderne est caractŽrisŽ par "l'agrandissement presque hallucinatoire des dŽtails". En musique, c'est la recherche d'une vie intŽrieure ˆ l'infiniment petit: "J'essayais de me rapprocher le plus possible d'une sorte de vie intŽrieure, microscopique, comme celle que l'on trouve dans certaines solutions chimiques, ou ˆ travers une lumire filtrŽe", disait dŽjˆ Varse [27] , et il est certain que de trs nombreux compositeurs actuels auraient pu reprendre ce texte ˆ leur compte.

 

L'instant (la section particulire d'une pice musicale) constitue donc l'ultime rŽsidu sensible de l'oeuvre spatialisŽe. Mais en quoi l'oeuvre musicale qui se replie sur l'instant, sur l'espace et sur l'intŽrioritŽ, en quoi l'oeuvre qui renonce au temps et ˆ l'extŽriorisation, ne renie-t-elle pas, comme il a ŽtŽ dit, le musical; en quoi, au contraire, le renforce-t-elle? En ce qu'elle continue ˆ sonner ou, plus simplement, parce qu'elle sonne: la succession d'instants qui la caractŽrise peut aussi tre nommŽe succession de sons. En effet, l'instant comme ultime rŽsidu sensible, a toutes les apparences du son.  Cependant, il est impŽratif de prŽciser que le son auquel est fait rŽfŽrence ici n'est pas le "timbre". Ce dernier est gŽnŽralement conu comme une "qualitŽ" prŽcise du son; en tant que tel, il se prŽsente comme objet non travaillŽ, donnŽ d'emblŽe et qui, en consŽquence, peut donner lieu ˆ des combinatoires. Par contre, le son comme Žquivalent de l'instant dŽsigne une entitŽ intŽgralement construite, qui ne se combine qu'avec elle-mme.

Il serait difficile, dans le cadre du prŽsent article, d'analyser les raisons qui conduisent ˆ assimiler le son ˆ l'instant; le lecteur devra se contenter de quatre indices. En premier, l'instant sans fin qui dŽcoule de la dissolution des formes, l'instant qui, s'Žternisant, force la musique ˆ se situer et ˆ s'ancrer dans un lieu -en dŽfinitive, ˆ prendre chair-, n'en est pas moins animŽ d'une intense vie intŽrieure; il est tout le contraire d'un objet. Or, n'est-ce pas prŽcisŽment le propre du son tel qu'il a ŽtŽ dŽfini, que d'tre construit de bout en bout et donc d'inviter l'auditeur ˆ s'y immerger, ˆ le sonder dans son intŽrioritŽ plut™t qu'ˆ chercher ˆ le manipuler de l'extŽrieur? Pour le son comme pour l'instant compte la profondeur de l'Žcoute et non pas l'attachement ˆ la dialectique temporelle et ˆ la froide combinatoire. Ensuite, un son se reconna”t instantanŽment. De la mme faon, l'instant d'une oeuvre du XXme sicle (c'est ˆ dire une section particulire) se livre d'emblŽe. En somme, dans les deux cas, on a affaire ˆ un dŽploiement au lieu d'un dŽveloppement. Troisime indice: dans l'instant se rŽalise la fusion de la forme et du matŽriau, un des phŽnomnes les plus marquants de l'aprs-guerre. L'instant est ˆ la fois matŽriau et forme: s'il est impossible de distinguer en son sein une idŽe concrte -thme, motif, cellule, sŽrie ou, plus gŽnŽralement, un ŽlŽment premier clairement dŽlimitŽ- d'un dŽveloppement, c'est qu'il est saisissable globalement comme seul l'est le matŽriau; d'un autre c™tŽ, il est fabriquŽ de toute pice ˆ la manire d'une forme. Or, cette fusion peut aussi tre nommŽe son, le son Žtant ˆ la fois forme et matire: de toute Žvidence, le son est marquŽ par sa matŽrialitŽ; mais, simultanŽment, si on l'isole pour lui-mme, il n'est gure possible de le rŽsumer ˆ autre chose qu'ˆ lui mme, ni d'en extraire un quelconque ŽlŽment, sauf ˆ le mutiler -il n'est pas une matire mise en forme. Enfin, son et instant parachvent l'immanence qui Žvacue le temps: ils sont autosuffisants et ne nŽcessitent, pour se rŽaliser, aucune mŽmoire de ce qui prŽcde ou aucune anticipation de ce qui suit; ils constituent un monde clos, un univers repliŽ sur lui-mme et, par consŽquent, ne renvoient ˆ rien d'autre qu'ˆ eux-mmes.

Une oeuvre qui ne dŽveloppe plus mais qui Žtire ˆ l'infini des moments particuliers, une oeuvre qui n'envisage plus la pluralitŽ comme linŽaritŽ dynamique mais comme superposition statique et qui substitue le mouvement spatial au dŽroulement temporel, une oeuvre o le ton, le rythme et la forme se sont respectivement muŽs en hauteur, durŽe et structure, en somme, une oeuvre qui s'est spatialisŽe, est d'autant plus musicale. La spatialisation de la musique va de pair ou entra”ne la mutation majeure de ce sicle o la musique cesse d'tre l'art des sons (sous-entendu: de la combinatoire des sons) pour devenir l'art de la synthse du son: le repli dans l'instant qui dŽcoule de la spatialisation est synonyme de construction intŽrieure du son.

A ce titre, nous pourrions proposer d'employer l'expression espace-son comme un cadre utile ˆ l'analyse d'une partie de la musique d'un passŽ rŽcent ou de la musique actuelle. Ce cadre offrirait un double avantage. D'une part, il autoriserait de penser que le son, devenu trs important pour la musique d'aujourd'hui, n'est pas une mŽtaphore, un modle comme un autre, utile simplement en temps de crise: il constitue une issue ˆ ce nouvel "art de l'espace". D'autre part, il permettrait d'envisager l'hypothse que l'espace n'est plus simplement une "dimension" du son, que la spatialisation du son n'est, finalement, qu'un des aspects du continuum espace-son: serait ainsi expliquŽe l'origine du paradigme actuel dont il Žtait question au dŽbut de cet article.

 

 



[1] Par le passŽ, l'espace a ŽtŽ "rŽduit  ˆ des proportions tout ˆ fait anecdotiques ou dŽcoratives. (Ce n'est pas pour rien que l'on cite toujours comme anctres Berlioz et les VŽnitiens, le plus extŽrieur et les plus dŽcoratifs des compositeurs)", Žcrit Pierre Boulez (Penser la musique aujourd'hui, Paris, Gallimard, 1963, p.73).

[2] "On peut entrevoir un orchestre nombreux s'augmentant encore du concours de la voix humaine [É]. Par cela mme, la possibilitŽ d'une musique construite spŽcialement pour le Òplein airÓ, toute en grandes lignes, en hardiesses vocales et instrumentales qui joueraient et planeraient sur la cime des arbres dans la lumire de l'air libre" (Claude Debussy, Monsieur Croche et autres Žcrits, Paris, Gallimard, 1987, p.76).

[3] Expression de Pierre Boulez, op. cit., p.72.

[4] "Musicalisation de l'espace dans la musique contemporaine", dans Festschrift Walter Wiora, Kassel, Bþrenreiter, 1967, pp.495-500.

[5] Philosophie de la nouvelle musique, Paris, Gallimard, 1962, p.80.

[6] "Timbre et espace", dans Jean-Baptiste Barrire (Žd.), Le timbre. MŽtaphore pour la composition, Paris, Christian Bourgois, 1991, p.273; H. Dufourt se rŽfre ˆ une Žpoque rŽcente (ˆ partir des annŽes 70).

[7] "A propos d'une inversion: l'espace musical et le temps pictural", Analyse musicale n¡4, 1986, pp.25-27.

[8] Theodor W. Adorno, Philosophie de la nouvelle musique, op. cit., p.196.

[9] Ibid, pp.196-197.

[10] Histoire sociale de l'art et de la peinture, tome 4, Paris, Le Sycomore, 1984, p.215.

[11] Ibid, p.221.

[12] Stockhausen emploie, ˆ propos de CarrŽ, l'expression "sculpture sonore" (citŽ par Helga de la Motte-Haber, "Raum-Zeit als þsthetische Idee der Musik der achtziger Jahre", dans Die Musik der Achzigter Jahre, Mainz, Schott, 1990, p.82); Ulrich Dibelius (Moderne Musik II.1965-1985, MŸnchen, R. Piper Gmbh und Co. KG, 1988, p.52) compare Xenakis ˆ un sculpteur; "un musicien comme Ligeti sait sculpter la matire sonore", Žcrit Jean-Claude Risset ("Timbre et synthse des sons", dans Jean-Baptiste Barrire (Žd.), Le timbre.É, op. cit., p.260). Je cite aussi Helmut Lachenman ("De la composition", dans Christine Buci-Glucksmann, Micha‘l Levinas (Žd.), L'IdŽe musicale, Saint-Denis, Presses Universitaires de Vincennes, 1993, p.233), qui parle de "Òt‰terÓ un son".

[13] CitŽ par Jean-Claude Risset, op. cit., p.254; c'est moi qui souligne.

[14] "Questions de cible", Entretemps n¡8, 1989, p.157; c'est moi qui souligne.

[15] La Musique et l'Ineffable, Paris, Seuil, 1983, pp.114-118.

[16] Ibid, pp.115-116; c'est moi qui souligne.

[17] Cf. notamment Daniel Arfib, Richard Kronland-Martinet, "Transformer le son: modeler, modŽliser", Les cahiers de l'IRCAM n¡2, 1993, pp.67-74: D. Arfib cherche ˆ concevoir un logiciel qui puisse totalement contr™ler la synthse sonore par des "images", car "la modification de sons naturels par le biais de la dŽformation d'images rŽpond ˆ l'appel de ceux qui voudraient modeler le son de l'intŽrieur" (ibid, p.74). Bien entendu, il y a aussi le cŽlbre prŽcŽdent de l'UPIC de Xenakis.

[18] Cf. Ecrits, Paris, Christian Bourgois, 1983, pp.44-46.

[19] Peut-tre n'est-il pas inutile de rappeler que La MŽtaphysique d'Aristote (trad. de Jules BarthŽlemy-Saint-Hilare, Paris, Agora, 1991, p.39, 980a) s'ouvre sur l'Žnonciation de ce primat: "L'homme a naturellement la passion de conna”tre; et la preuve que ce penchant existe en nous tous, c'est le plaisir que nous prenons aux perceptions des sens. IndŽpendamment de toute utilitŽ spŽciale, nous aimons ces perceptions pour elles-mmes; et au-dessus de toutes les autres, nous plaons celles que nous procurent les yeux. [É] Cette prŽdilection tient ˆ ce que, de tous nos sens, c'est la vue qui, sur une chose donnŽe, peut nous fournir le plus d'informations et nous rŽvŽler le plus de diffŽrences".

[20] "Form in der Neuen Musik", Darmstþdter Beitrþge zur Neuen Musik, 1966, p.24.

[21] Musique. Architecture, Tournai, Casterman, 1971; c'est moi qui souligne.

[22] "Musique et nouvelle musique", dans Quasi una fantasia, Paris, Gallimard, 1982, pp.280-281.

[23] Theodor W. Adorno, Philosophie de la nouvelle musique, op. cit., p.195.

[24] "La Mer de Debussy, ou la naissance des formes ouvertes", Analyse musicale n¡12, 1988, p.62.

[25] L'art et le temps, Paris, Agora, 1990, p.36.

[26] Art et technique, Paris, Deno‘l, 1956, p.178.

[27] Op. cit., p.184; texte Žcrit ˆ propos de la section de cordes en divisi d'une oeuvre qu'il dŽtruisit, Bourgogne.